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Un cataclysme a dévasté le royaume insulaire d’Isulgaar. Trente-et-une années plus tard, le Nord de l’île prospère grâce à un nouveau roi autoritaire, alors que la famine guette le Sud, livré à lui-même. Entre eux, le centre de l’île est devenu une terre de pillards et de hors-la-loi. Tandis qu’au Sud, la haine de ce roi qui les a délaissés attise les tensions et les velléités de conquête, au Nord se profile un complot machiavélique qui risque de bouleverser l’échiquier politique du royaume. Mais ni le Sud ni le Nord ne se doutent que l’apparition d’une mystérieuse neige noire pourrait bien marquer la renaissance d’Isulgaar… ou plonger l’île dans les ténèbres.

Là encore, j’ai eu le plaisir et la chance de bêta-lire ce roman avant sa parution. De quelques premiers chapitres addictifs postés sur un forum d’écriture, j’ai vite voulu connaître la suite et fin, pour un voyage sombre (et plein de terreurs ? ^^), épique, doté de rebondissements fort efficaces et de personnages attachants.

« Dark fantasy », le roman mérite son appelation. Dans son ensemble, il respire une vie dure et sans concession pour ses personnages, où la violence n’est pas omniprésente mais attend dans l’ombre, jamais très loin et prête à bondir sur qui se laissera surprendre. Et puis il y a aussi d’autres moments, où la plume de l’auteur trace avec un réalisme saisissant des scènes difficilement supportables. Une ambiance générale sombre, donc, qui n’appelle pas vraiment aux conclusions heureuses, même si des touches de joie et d’espoir permettent de faire une pause et de bien équilibrer le roman.
Mais Noire Neige est très loin de se résumer à cet aspect, c’est beaucoup plus fouillé que ça. Un aspect qui m’a beaucoup plu, c’est le côté réaliste et documenté de l’univers. On sent bien que certaines pratiques (la forge, la fauconnerie, notamment) ont été longuement recherchées pour être le plus exact possible, tout en instruisant et en restant accessible à n’importe quel lecteur (j’ai encore de souvenirs de la trilogie Loredan où j’aurais bien abrégé de nombreuses explications ^^). Du coup, ça contribue à mon sens à rendre à l’univers plus présent, plus réel, et c’est encore renforcé avec les quelques légendes mythologiques qui viennent émailler le texte, pour raconter une création, ou un évènement. Ce n’est pas juste un décors, il vit.

Et cette vie se retrouve dans la dualité Nord / Sud, qui sépare à la fois l’île en deux, et ses habitants. J’ai beaucoup aimé ce dédoublement, où les chapitres alternent une zone avec l’autre. Ça permet de suivre l’histoire principale, petit à petit, qui se batit de chaque côté, mais aussi plusieurs histoires secondaires qui viennent rythmer et donner à mieux connaître monde et personnages. Les différences de mode de vie apportent une vraie couleur locale – et un petit dépaysement vu qu’on change constamment. La même chose est vraie pour le Centre de l’île, qu’on verra finalement sur la deuxième moitié du roman, et où on ressent bien la désolation suite au cataclysme. À titre personnel, comme c’est une ambiance qui me parlait très bien, j’entendais presque le vent souffler à perdre haleine dans ces zones plates et vides ^^

Du côté des personnages – ce que je préfère dans toute histoire – là encore, on est plutôt gâtés. Déjà, il y en a une tripotée, et ça, c’est cool, parce que j’aime en suivre plein. Bon, il faut bien avouer qu’un petit nombre est plus important que les autres, et qu’on va plutôt suivre ceux-là. Mais les « seconds couteaux » si j’ose dire ne sont pas transparents, ils ont leur petit caractère, leur petite histoire, leurs relations, leurs envies, et c’est encore mieux.
On a beau suivre deux « camps », qui semblent au début opposés, on évite totalement le manichéisme, et finalement, ils sont quasiment tous attachants. Il n’y a guère que le manipulateur pour lequel j’aurais du mal à dire que j’ai de l’affection, mais je l’aime bien dans le sens où il est bien fait, il a un vrai but qui n’est pas complètement caricatural, et puis surtout, c’est à son sujet que j’ai pris ma plus grosse claque, dans un chapitre à retournement mémorable qui me fait encore tomber sur le cul quand j’y repense ! ^^
Au final, donc, pas de héros au sens propre du terme : pas d’homme providence qui va sauver tout le monde en étant propre sur lui, qui va prouver qu’il avait raison, qu’il est juste, et que les autres non. Défauts, doutes et faiblesses caractérisent chacun. Aucun camp n’est meilleur que l’autre, c’est la fatalité qui les a mis où ils sont, et ils tentent juste de (sur)vivre avec ce qu’ils ont.
Après, on a tous nos chouchous, j’imagine, et comme j’ai toujours un faible pour les grandes barraques à humour, Kräm était mon petit préféré.
J’ai failli oublier : j’ai dit qu’il y en avait une tripotée, de personnages. C’est pas pour rien non plus, étant donné que Nicolas Skninner marche dans les traces de certains auteurs frustrants (mais que j’adore), comme Gemmell ou Martin, avec un taux de morts assez élevé 😀 Évitez de trop vous attacher à certains…

Pour parler un peu de l’écriture, je dirais que l’auteur a une plume bien sympathique à suivre : simple mais fluide et efficace la plupart du temps, avec une mention spéciale pour les descriptions de paysages, qui sont tout à fait splendides (surtout les montagnes et forêts enneigées du Nord, aaaaaah, ça donne envie d’y aller !)
Au niveau du rythme, il commence assez doucement au début, avec une mise en place tournée vers la situation géo-politique des deux parties de l’île, et l’introduction des principaux personnages. Mais très vite, on tombe dans les complots, les fausses pistes, et les prémices d’une aventure. Je n’y ai pas trouvé de véritable temps-mort, au contraire, cette fameuse alternance de zones dont je parlais plus haut a contribué à maintenir mon intérêt en éveil, ce que prolongent les retournements de situation dans la seconde moitié.
La fin ouvre clairement la porte à un second tome, que je lirai avec grand plaisir également.

Sachez par ailleurs que l’histoire du roman est intimement liée au groupe de black metal dont fait partie l’auteur, Sinlust, et que leur premier album Snow Black fera un bon complément audio à votre lecture… si tant est que ce genre musical vous agrée ^^ (mais ça peut être l’occasion d’essayer :D)
Enfin, dans le numéro 6 d’Etherval, Cave Canem Salvati, vous retrouverez également une petite interview de l’auteur, à propos de certaines thématiques de ce premier roman, ainsi que sur son parcours d’auteur.